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 TEMOIGNAGE D'UN ARTILLEUR DE LA 2EME DB

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MessageSujet: TEMOIGNAGE D'UN ARTILLEUR DE LA 2EME DB   TEMOIGNAGE D'UN ARTILLEUR DE LA 2EME DB Icon_minitimeLun 22 Oct - 12:17

Témoignage d'un artilleur dans la tourmente de 1939/40 et dans la reconquête de 1944/45:

François Gentille Juin 1999

Ayant constaté que de nombreux français appartenant aux générations de mes enfants et petits-enfants n'avaient qu'une connaissance approximative des événements dramatiques qui avaient secoué la France de 1939 à 1945 et dont ils n'avaient retenu que les thèmes généraux (campagne de 1939/40, occupation, résistance, libération), j'ai souhaité, par le présent témoignage, les aider à une meilleure compréhension des épisodes douloureux que notre pays avait traversés durant cette période ; par des exemples vécus sur le terrain, je les invite à connaître ce que mes camarades de combats et moi avons retenu des causes les plus évidentes de notre défaite de 1940.

Cependant, dans la seconde partie de ce récit, je retracerai la phase de reconquête de 1944/45, lorsque, à partir du 1er septembre 1944, j'allais participer, sur un char M7 d'une batterie d'artillerie de la 2ème DB, aux opérations de combats qui se sont déroulées dans les Vosges et en Alsace, et se sont poursuivies en Allemagne jusqu'en Bavière, pour atteindre le 4 mai 1945 ce lieu mythique : Berchtesgaden.


Auparavant, pour respecter la chronologie des faits, je reviens à l'année 1937 qui fut celle de mon admission (stagiaire) à la Banque de France (Cabinet de l'Escompte); déjà, les menaces de guerre s'amoncelaient dans le ciel de l'Europe (Anchluss, Sudètes..) et on pouvait craindre le pire.

En septembre 1937, j'échappais de justesse à une mobilisation partielle mais ce ne fut qu'un court répit, puisque le 1er septembre 1939 (je m'étais marié en juin), je fus mobilisé (j'avais fait mon service militaire en 1933-35 - brigadier - dans un régiment d'artillerie 75 motorisé) et rejoignis une unité d'artillerie à Fontainebleau qui fut immédiatement dirigée sur la frontière lorraine.

Un calme trompeur s'établit alors jusqu'au matin du 10 mai 1940, à partir duquel le groupe d'artillerie dont je dépendais, harcelé sans cesse dans ses déplacements par l'aviation ennemie, ne put déployer valablement ses pièces d'artillerie dont le dispositif fut disloqué ; nos unités furent alors dispersées et la moitié d'entre elles furent capturées. Mais, par un repli hâtif vers le sud, mon régiment put échapper à l'encerclement ennemi.


Par cet exemple, et combien d'autres vécus autour de nous, il nous est immédiatement apparu que notre matériel, inadapté ou obsolète, ne pouvait répondre efficacement à un ennemi qui nous écrasait littéralement sous le feu de son aviation et de ses blindés.

En définitive, seuls les combattants intégrés dans des unités motorisées, quand le sort de la bataille ne les avait pas trop éprouvés, pouvaient échapper à l'encerclement de l'adversaire; les autres, livrés à eux-mêmes sur des positions de combats intenables, ou enfermés dans les fortins de la ligne Maginot, ne pouvaient qu'être capturés... par centaines de milliers, et ce, en dépit du courage de beaucoup et de l'abnégation de certains.

Comment et pourquoi en était-on arrivé à cette débâcle ? Il était évident que celle-ci était la résultante de diverses carences que mes camarades et moi-même avions pu constater au cours de cette campagne et que je résumerai par les appréciations suivantes :

- tout d'abord, une conception erronée de notre dispositif militaire tant tactique que stratégique, élaboré par des généraux qui en étaient restés à une vision statique de la guerre de 1914/18, alors que les allemands avaient, dès 1935 ou 1936 entrepris une réforme profonde de leur structure militaire axée sur des actions offensives qui allaient faire leurs preuves, notamment lors de la guerre d'Espagne où les allemands fournirent aux franquistes des blindés et l'aide d'une aviation terriblement efficace, apport qui avait été déterminant dans la victoire de Franco.

L'Etat-major allemand, contrairement au nôtre, avait donc retenu de cette "expérience" que la guerre de mouvement était la seule capable d'anéantir l'ennemi, en y associant les divers corps de son armée : blindés, aviation, troupes portées et aéroportées ; il en avait tiré les conséquences en portant tous ses efforts sur la fabrication intensive des divers types de matériels militaires, qui, utilisés par des hommes bien entraînés, allaient devenir des plus performants, lors des combats.

En 1940, les déplacements de l'infanterie, comme ceux de l'artillerie d'ailleurs, étaient conditionnés, pour être efficaces, par l'utilisation de véhicules tous terrains, chenillés et blindés dont étaient largement pourvus les allemands, alors que nos fantassins n'en possédaient pratiquement pas, en dehors des camions servant à tous usages.

A l'approche des lieux où allaient se livrer les combats, l'infanterie adverse arrivait sur le site par véhicules, donc dans un état de fraicheur évident, alors que les français, pour se trouver au contact de l'ennemi, devaient parcourir à pied plusieurs kilomètres, avec leur équipement personnel dont une partie était plus encombrante qu'utile (musette, bidon...sans oublier l'archaïsme de la bande molletière). En outre, ils étaient pauvrement dotés en armement automatique ; j'en ai même connu à qui on avait attribué une mitrailleuse St Etienne de 1918... qui s'enrayait fréquemment..., et bien sûr, les fusils-mitrailleurs étaient rares, contrairement aux allemands qui étaient pourvus d'armes sophistiquées, telles que le pistolet-mitrailleur.

Quant à l'artillerie française, notamment celle divisionnaire équipée de canons de 75 ou de 105, elle était souvent hippomobile ; lorsque ces unités étaient soumises, sur les routes, à de violentes attaques aériennes, elles ne pouvaient que se désintégrer et être anéanties, à la suite de la débandade qui en résultait et dont étaient victimes hommes et chevaux.

En ce qui concerne l'aviation, notre infériorité étaient encore plus flagrante ; en effet, à partir du 10 mai 1940, lorsque l'offensive allemande se déploya, on ne vit pratiquement plus d'avions français dans le ciel ; nous fûmes alors soumis, sur les routes ou ailleurs, à des attaques aériennes incessantes, notamment par les stukas qui, en piqué, sirènes hurlantes, firent de nombreuses victimes, tant militaires que civiles, notamment lors de franchissements de ponts sur la Seine ou la Loire.

Mais, un des éléments majeurs qui, avec l'aviation, décida rapidement du sort de la guerre, fut l'utilisation massive, par l'ennemi d'unités de blindés dont l'initiateur fut le Général allemand Guderian. Celui-ci s'était d'ailleurs inspiré de la doctrine d'un certain Colonel de Gaulle qui, en 1936, en imaginant la guerre de m:ouvements, avait préconisé la création de divisions blindées, mais l'Etat-major français n'en tiendra nullement compte.
Lors des combats, les blindés adverses, dont le nombre, allié à leur puissance de feu, était particulièrement dominant, ouvraient de larges brèches dans le dispositif français, et ce, en dépit de la résistance efficace de certains de nos éléments de chars et de 47 antichars, trop peu nombreux, et qui ne pouvaient s'opposer longtemps à l'avance ennemie ; l'infanterie portée allemande intervenait alors et se trouvait rapidement en mesure d'encercler nos troupes, lesquelles le plus souvent à pied, étaient mises ainsi dans l'impossibilité d'échapper à l'étreinte adverse.

Enfin, notre système de transmissions qui devait permettre de maintenir les liaisons entre les échelons de commandement et ceux d'exécution, en était resté, comme en 1914-18, à l'installation de lignes téléphoniques destinées à relier les diverses unités entre elles. Les liaisons par radio qu'utilisaient les allemands étaient, chez les français, quasi inexistantes. La guerre de mouvement qui nous était imposée, avec une aviation ennemie omniprésente, eut rapidement pour conséquence la destruction de nos lignes téléphoniques (ne subsistèrent quelque temps que les estafettes motocyclistes) empêchant ainsi le regroupement ou le repli ordonné de nos troupes qui, livrées à elles-mêmes, étaient vouées à la dispersion et à la cessation des combats.

Ainsi, après le traumatisme subi sur les routes par la population française, et la reddition de nos armées, s'achevait la campagne de France entérinée le 22 juin 1940 par la signature de l'armistice.
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MessageSujet: Re: TEMOIGNAGE D'UN ARTILLEUR DE LA 2EME DB   TEMOIGNAGE D'UN ARTILLEUR DE LA 2EME DB Icon_minitimeLun 22 Oct - 12:17

Le bilan de nos pertes militaires était très lourd, en 40 jours de combats :

120 000 morts
200 000 blessés
1 800 000 prisonniers
et des milliers de civils tués sur les routes de l'exode.

Ma propre famille ne fut pas épargnée, puisque mon beau-frère, mobilisé dans un groupe de reconnaissance entré en Belgique le 12 mai 1940, fut grièvement blessé au visage par l'aviation ennemie ; devenu "aveugle de guerre", il fut rapatrié en septembre 1940 ; un de mes oncles, civil, fut tué sur une route de l'exode, et plus tard, un cousin, déporté à Mathausen, revint en France en mai 1945 dans un état squelettique... pour mourir à 23 ans.

Je fus démobilisé en août 1940 et repris mon activité professionnelle au Cabinet de l'Escompte, jusqu'à mon admission, en 1942, au concours de rédacteur et mon affectation au Service des Avances (à Ventadour). Cependant en mai 1943, par une permutation qui me fut proposée, je revins au Cabinet de l'Escompte. C'est alors que, par l'entremise de deux collègues, j'eus connaissance de tracts, transmis discrètement, intitulés "La Banque de France libre" dont j'ai déjà fourni quelques exemplaires, et qui appelaient à lutter efficacement contre l'occupant. Nous parvînmes à savoir enfin, par un cheminement compliqué, que Girault (du Service du Contentieux) était l'auteur de ces manifestes et qu'il était, par conséquent, le responsable du groupe de Résistance de la Banque Centrale. Nous le rencontrâmes à plusieurs reprises en vue de nous associer à des opérations de sabotage qui, menées par des commandos à trois (notamment à la piscine Deligny où un feldwebel fut délesté de son pistolet) furent de plus en plus fréquentes, à partir du débarquement allié le 6 juin 1944.

Mais avant que ne se produise celui-ci, Paris subissait des bombardement alliés, notamment contre les gares de triage ; c'est ainsi que du 22 au 28 avril 1944, celles des Batignolles et de la Chapelle furent sérieusement touchées. Personnellement, habitant à proximité de la première citée, je devais absolument protéger ma femme et mon fils (né le 17 avril) ; je pus les faire évacuer le 2 mai, en dépit des interruptions de trafic, en direction des Deux Sèvres où s'étaient repliés mes parents.

Du 17 au 24 août, la Banque Centrale fut occupée par le groupe de résistance de la Banque Centrale, constitué en Comité dont le responsable était tout naturellement Girault, devenu par la suite animateur du Syndicat CGT de la Banque de France. Suivirent des péripéties qui émaillèrent cette période et que j'ai contées par ailleurs, jusqu'à l'arrivée à Paris des premiers éléments de la 2ème DB le soir du 24 août.

Dans l'enthousiasme délirant qui, les jours suivants, allait submerger Paris, de nombreux jeunes gens voulurent s'engager dans cette division dont plusieurs groupes étaient cantonnés au Bois de Boulogne. Mes deux camarades et moi, n'échappant pas à cette exaltation quasi générale, et en dépit de nos attaches familiales (nous étions tous trois mariés), nous décidâmes de nous engager à la 2ème DB. Celle-ci, devant un afflux de volontaires, dut en limiter le nombre et en arrêter rapidement le recrutement. Personnellement, après mon service militaire, en 1933/35 et la campagne de 1939/40 servie dans l'artillerie, je fus facilement retenu, d'autant que mon cousin, médecin-chef au X1/64 RADB, avait appuyé ma candidature. Par contre, mes deux camarades ne furent 1pas acceptés et furent dirigés sur un bureau militaire où ils reçurent une affectation dans la région parisienne.

Engagé pour la durée de la guerre le 1er septembre 1944 (j'avais 30 ans), j'intégrais ainsi un régiment d'artillerie, le XI/64 RADB, rattaché à un des 3 groupements tactiques de la 2ème DB et qui comportait 3 batteries : la 31 ème, à laquelle j'appartenais, la 32ème et la 33ème ; chacune de celle-ci était constituée de 6 pièces de tir M7 blindés équipés de canons de 105 (avec mitrailleuse de 50) ainsi que d'engins d'accompagnement (un char Scherman) de commandement (half-track) semi-chenillé et de jeeps, lesquels étaient en contact radio permanent avec l'officier observateur qui, aux côtés des premiers éléments d'infanterie amie, guidait les tirs sur l'objectif ennemi.

D'autre part, avec la 2ème DB, les véhicules qui nous avaient été affectés avaient été "baptisés" du nom qu'avait choisi l'officier responsable ; à la 31 ème batterie, par exemple nos chars M7 étaient désignés sous le nom de certaines de nos provinces : "Béarn" (1ère pièce dont je dépendais), "Franche-Comté", "Alsace", "Lorraine", alors que notre commandant, le Capitaine Touyeras, avait fait inscrire sur sa jeep le mot "France", symbole particulièrement significatif de son engagement envers la patrie.

A la 32 ème batterie, il avait été adopté les dénominations des portes de la Capitale : "Porte Maillot", "Porte de la Chapelle" ; il en était de même dans les unités de chars Scherman: parmi les engins blindés du Capitaine Dronne qui pénétra le premier dans Paris occupé le soir du 24 août pour s'immobiliser devant l'Hôtel de Ville, deux d'entre eux avaient pour appellation: "Champaubert", "Montmirail".

Lors de la formation de la 2 ème DB, effectuée entre Septembre 1943 et avril 1944, le Général Leclerc aura pour souci majeur de rassembler ceux, officiers, sous-officiers et hommes de troupe qui, venant d'horizons divers, avaient des opinions politiques ou religieuses différentes : gaullistes, évadés de France, F.F.L. (Forces Françaises Libres), giraudistes, risquaient de s'affronter dans des discussions stériles. Grâce à son charisme et à son opiniâtreté, il obtiendra une sorte d'osmose entre ces hommes qui allaient combattre côte à côte, et qui, formés et entraînés sur du matériel américain solide et performant, allaient se montrer particulièrement efficaces dans les combats futurs.

Il faut ajouter que les opérations victorieuses remportées par la Division Leclerc et qui l'amenèrent jusqu'à Berchtesgaden, furent possibles grâce d'une part, aux concours de nombreux engagés volontaires, et d'autre part, avec l'affectation à la Division des cadres d'active et de réserve venant d'Afrique ou de France, et qui, eux aussi, rêvaient d'une revanche sur l'ennemi : tous étaient soudés par le même idéal : bouter l'allemand hors de notre territoire.

Les nombreux jeunes gens qui, à partir de 1942-43 quittèrent la Métropole occupée, avaient l'espoir de rejoindre rapidement en Afrique du Nord les forces françaises libres ; ils ne purent y parvenir qu'au prix de grandes difficultés, puisque la plupart d'entre eux subirent un internement en Espagne de 7 ou 8 mois dans des conditions d'emprisonnement éprouvantes.

Quant aux "pieds noirs" dont de nombreuses familles étaient implantées en Afrique du Nord (surtout en Algérie et au Maroc) depuis deux ou trois générations, beaucoup, en âge d'être mobilisés en 1939-40, avaient déjà participé à la campagne de France, tout comme ceux de Métropole. Début 1943, après le débarquement américain en Afrique du Nord, ils furent rappelés pour être incorporés dans les unités combattantes en formation (2ème DB, 1ère Armée française), et ils ne furent démobilisés, dans les cas les plus favorables, qu'en juin ou juillet 1945. Ils eurent ainsi, dans une période cruciale de leur existence civile, une coupure de 2 ans 1/2, puisque ils furent privés, soit pour certains, de la poursuite de leurs études supérieures, soit pour d'autres, de la recherche d'un métier ou d'un emploi, ce qui retardera d'autant, et parfois compromettra, leur avenir professionnel.

En dépit de cette situation préjudiciable, ils accomplirent leur devoir avec une grande détermination, sans acrimonie ni regret, alors qu'en Métropole les Français incorporables (mais vivant il est vrai sous d'autres contraintes) allaient échapper à cette obligation.


Dernière édition par le Lun 22 Oct - 12:18, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: TEMOIGNAGE D'UN ARTILLEUR DE LA 2EME DB   TEMOIGNAGE D'UN ARTILLEUR DE LA 2EME DB Icon_minitimeLun 22 Oct - 12:18

Les "pieds-noirs" qui avaient bien mérité de la patrie, n'allaient cependant pas recevoir de la nation française la reconnaissance qu'ils étaient en droit d'attendre, puisque en 1962, ils durent quitter leur foyer et leur pays pour se réfugier en Métropole, balayés par le vent de l'histoire.

Mais revenons aux évènements de la libération de Paris au cours de laquelle l'infanterie et les engins blindés de la 2ème DB purent réduire de nombreux points de résistance ennemie aussi bien dans la Capitale que dans sa périphérie ; au cours de ces opérations, ils firent de nombreux prisonniers mais ils subirent des pertes non négligeables en hommes et en matériels. Il s'ensuivit une pause de quelques jours qui sera mise à profit pour reconstituer les effectifs.

Affecté tout d'abord, début Septembre, au Service Médical, je fus ensuite muté à la 1ère pièce de la 31ème batterie sur le char M7 "Béarn".

A un rang modeste, je participerai ainsi aux opérations de combats qui allaient se dérouler successivement en Champagne, dans les Vosges pour atteindre enfin Strasbourg.
Le Général Leclerc, par une manoeuvre particulièrement audacieuse, reconnue d'ailleurs par les historiens, lancera ses unités à travers les Vosges par quatre itinéraires différents dont un par le col du Dabo que les allemands jugeaient impraticable en hiver par une division blindée. En dépit d'une forte résistance, la plaine d'Alsace sera atteinte le 21 novembre, et Saverne libéré le 22. Le 23 au matin, les premiers éléments de la Division atteindront Strasbourg (alors que de nombreux allemands, surpris, vaquaient à leurs occupations!...) et le drapeau français sera hissé au faîte de la cathédrale. Le Général Leclerc atteignait ainsi le but extrême qu'il s'était assigné à Koufra en 1941 : "jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg".

Après une pause salutaire, nous fûmes engagés en Lorraine, en appui des Américains, puis fin janvier 1945, mis à la disposition de la 1ère Armée Française, en vue de libérer la poche de Colmar. Par un froid sibérien (-20° à -25°), les troupes françaises, toutes unités confondues, durent livrer de durs combats, car les allemands, par de violentes contre-attaques, résistèrent longtemps et durent céder, mais ce fut d'un côté comme de l'autre, au prix de lourdes pertes.

L'Alsace entièrement libérée, nous devions procéder à la révision de notre matériel qui avait souffert, et début Mars, nous fûmes dirigés dans la région de Chateauroux.

Mais une autre mission nous appelait : participer à la libération de Royan, afin de dégager le port de Bordeaux. Commencée le 14 avril avec la participation de l'artillerie divisionnaire, l'opération Royan fut achevée le 18 avril. Le 22, le Général Leclerc, qui désirait rejoindre au plus tôt les troupes alliées en Allemagne, recevra l'ordre de faire mouvement en direction du Rhin pour rallier la 7ème Armée américaine, ce qui fut fait le 28 avril par une grande partie des unités de la 2ème DB, alors que de son côté, la 1ère Armée française venait de dépasser Stutgard.

Mais l'artillerie de la 2ème DB, et spécialement la 31ème batterie attardés devant Royan, ne pourra traverser le Rhin qu'à l'aube du 1er mai. Le Général Leclerc, qui a obtenu une certaine liberté d'action, nous donnera alors pour instruction de nous diriger à marches forcées, sur Berchtesgaden.

En dépit des destructions de ponts et des barrages que nous contournerons le plus souvent possible, nous atteindrons Berchtesgaden, plus précisément le quartier de la gare, le 4 mai vers 17 heures, alors que les américains, arrivés au même moment, occuperont un autre secteur de la ville ; ils s'y arrêteront, comme si le ligne d'arrivée avait été franchie.

Mais le capitaine Touyeras (commandant la 31ème batterie), lui, ne s'attardera pas. Il va entreprendre, et réussir, par un coup d'audace sans pareil, à atteindre dans l'après midi du 4 mai l'Obersalzberg et le Berghof qui en fait partie, devançant ainsi les américains.

Cet épisode glorieux, corroboré par plusieurs témoins, sera conté plus tard par le Capitaine Touyeras (en 1971) à qui l'aspirant Raison, son adjoint, rendra hommage en 1995, dans un récit circonstancié sur la campagne d'Allemagne et en particulier sur les phases de conquête de l'Obersalzberg et du Nid d'Aigle, et que je résumerai ci-après :

Le capitaine Touyeras connaissait déjà cette région qu'il avait traversée en juillet 1940 dans un convoi de prisonniers en direction d'un oflag d'Autriche (d'où il s'évadera lors de sa seconde tentative) ; à son arrivée à Berchtesgaden le 4 mai 1945, il demandera aussitôt au colonel commandant du Groupement, et l'obtiendra, l'autorisation de monter à l'Obersalzberg. Sans escorte, au volant de sa Jeep "France" (équipée d'une mitrailleuse), et accompagné de son chauffeur, il s'élancera, par une route sinueuse, en direction de cet objectif qu'il atteindra dans l'après-midi du 4 mai.

Arrivés devant un bâtiment apparemment occupé, ils annonceront leur présence par deux rafales de mitrailleuse : un soldat allemand, brandissant un drapeau blanc, apparaîtra ; le Capitaine Touyeras le fera asseoir sur la capot de la jeep et arrivera au poste de garde, où il exigera qu'un feldwebel fasse l'appel de ses hommes : ils étaient .. 45, devenus désormais des prisonniers, groupe que la Capitaine Touyeras retrouvera au complet (pas un seul manquant, miracle de la discipline allemande !), lorsque 1 H 1/2 plus tard, il sera de retour avec un détachement du RMT (infanterie).

Le 5 mai au matin, le Général Leclerc, après avoir complimenté le capitaine Touyeras, lui fera honneur en lui demandant de le conduire à l'Obersalzberg (altitude 900 m) dans sa jeep "France". Arrivé sur les lieux, le Général Leclerc lui donnera alors pour mission de monter au Nid d'Aigle (Kehlstein), culminant à 1834 m., pour y hisser nos couleurs ; Cette opération sera immédiatement entreprise avec la participation de l'aspirant Raison et d'un détachement du RMT.

Après 5 heures de marche dans la neige, ils parviendront à 17 heures au Nid d'Aigle (Maison de thé d'Hitler), lieu mythique du nazisme entre tous, et sur lequel, le Capitaine Touyeras, aidé de l'aspirant Raison, fixera le drapeau français à une des baies du bâtiment. Les américains n'arriveront sur place que plus tard.

Mais revenons à l'après-midi du 4 mai : les véhicules de la 31ème batterie, arrivés à Berchtesgaden avec les éléments de tête de la 2ème DB, cantonneront dans le quartier de la gare. Cependant le char "Béarn" sur lequel je servais (pointeur) et qui était pièce directrice de la 31ème batterie, ira s'embosser dans une enclave, contiguë à l'entrée de la gare.

Ainsi, nous avions atteint ce lieu mythique, considéré par les alliés comme le sanctuaire du nazisme. Je mesure encore aujourd'hui la grande satisfaction et la fierté nationale que mes camarades et moi avons dû ressentir à cet instant inoubliable.

Peu après, notre étonnement fut grand, lorsque nous découvrimes, en stationnement dans la gare, le train de Goering, lequel était sans doute dans l'attente d'une autre destination. En le parcourant, nous pûmes constater qu'il contenait des trésors "récoltés" en Europe (notamment tableaux, alcools, vins fins...) et que la Police Militaire se chargera de garder.

Le lendemain 5 mai, après quelques patrouilles effectuées dans ce secteur et qui nous permirent de faire un certain nombre de prisonniers, peu enclins d'ailleurs à se battre, la reddition de l'Allemagne étant imminente, nous quittions dans l'après-midi Berchtesgaden pour Bad Reichenhal où nous apprenions le 8 mai la capitulation de l'Allemagne.

Ainsi s'achevait, pour les alliés, cette campagne victorieuse qui, certes, fut courte pour la 2ème DB, mais qui constituera néanmoins pour le Général Leclerc et sa Division, outre une revanche sur 1939/40, la satisfaction immense et le grand honneur d'être parvenus les premiers dans cet antre du nazisme que constituaient l'Obersalzberg et le Nid d'Aigle sur lequel allait être hissé notre drapeau, trois jours avant la reddition de l'Allemagne.

A partir du 10 mai, par étapes successives, nous regagnerons la France que nous atteindrons le 4 juin, avec pour destination finale la région de l'Yonne, ou s'effectuera notre démobilisation.

Le bilan des pertes subies devant l'ennemi par le XI/64 RADB s'élevait à 20 morts et 59 blessés.

En Août 1996, parcourant la région de Berchtesgaden en touriste avec visites de l'Obersalzberg et du Nid d'Aigle, je retrouverai à la gare de Berchtesgaden la même configuration des lieux qu'en 1945 : l'enclave où s'était embossé notre char, et l'entrée de la gare qui constitue toujours le terminus de la ligne ferroviaire.

F. GENTILE (85 ans)
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